Tribunes

La France de l’occasion

Vendre et acheter d’occasion : une tendance de fond

En matière de modes de vie et de consommation, c’est l’évolution la plus marquante de la dernière décennie et, peut-être, de celle de la décennie qui commence. Les chiffres sont spectaculaires. Ainsi, on est passé de 27% de Français qui vendaient des produits d’occasion sur Internet en 2010 à 63% en 2021 ! Dans le même temps, on est passé de 30% qui achetaient des biens d’occasion à 61%. Soit un doublement en 10 ans et, surtout, une généralisation de cette pratique dans tous les milieux. Ce qui était l’apanage d’une minorité est devenue une pratique banale, fréquente et valorisée socialement.

Une révolution que la crise sanitaire a nettement amplifiée. Les deux dernières années ont été marquées par des progressions fulgurantes. De nombreux Français ont vendu ou acheté des biens d’occasion pendant cette période. Pour certains il s’agissait de se désencombrer : trier et vendre ce qui ne leur servait plus. Pour d’autres, il fallait, pour faire face à la baisse de leurs ressources, se constituer une source de revenus complémentaires.

Vers une nouvelle étape dans l’histoire de la société de consommation

Ces tendances traduisent la mutation que traverse actuellement le modèle de la société de consommation.

  • Désormais, dans certains milieux, l’occasion devient le premier choix avant le neuf. Concrètement, cela signifie que l’on va d’abord vérifier si le produit que l’on convoite existe d’occasion, avant d’envisager de l’acheter neuf. Cette attitude marque une rupture majeure avec le modèle qui a longtemps prévalu et qui reposait sur le principe de l’innovation permanente. Non seulement on achetait neuf, mais on voulait acquérir le produit qui tenait compte des dernières tendances du marché (prime à la nouveauté qu’elle soit technique, esthétique ou symbolique). Aujourd’hui on valorise l’occasion.
  • Le boom de l’occasion traduit également le triomphe de l’économie dite « circulaire ». Son principe ? Rien ne se perd, tout est réutilisé, tout est recyclé dans un idéal de vie perpétuelle des objets. C’est le marché dit de la « seconde vie ». La crise écologique que nous traversons rend d’autant plus attractive cette économie que celle-ci permet de réduire sensiblement notre empreinte carbone.
  • Le succès de l’occasion est également fortement lié à la digitalisation de la société française. Même si les brocantes et les vide-greniers sont loin d’avoir disparu, il est clair que la généralisation de plateformes telles le Bon coin ou Vinted ont fortement accéléré la dynamique en facilitant aussi bien les démarches des acheteurs que celles des vendeurs. Une véritable économie de particulier à particulier s’est ainsi mise en place, court-circuitant les réseaux traditionnels.
  • Le boom de l’occasion est aussi révélateur de la fragilisation financière d’un certain nombre de foyers français. Il y a, parmi ceux qui achètent ou vendent une part croissante de personnes qui se sentent déclassées et qui se tournent vers l’occasion, faute de pouvoir s’offrir les produits neufs, souvent plus chers.

Le profil de l’acheteur d’occasion régulier : entre nécessité économique et désir d’exclusivité

Même si l’achat et la vente d’occasion concernent désormais une grande majorité de Français, on peut observer, si on se focalise sur ceux qui le pratiquent régulièrement, un certain nombre d’aspérités :

Le profil socio-démographique :

  • Un public plus féminin. Parmi ceux qui le font souvent, on dénombre 67% de femmes vs. 33% d’hommes.
  • 61% ont entre 25 et 49 ans.
  • Si le pratiquant régulier est présent sur tous les territoires de l’Hexagone, il est surreprésenté dans les villes de 20 à 100 000 habitants et dans les communes rurales.
  • Les couples avec enfants ou les familles monoparentales sont majoritaires (61%).

Le profil socio-culturel

En termes de valeurs et de modes de vie, deux milieux se détachent : une population précaire, qui cherche à faire des économies et un milieu nettement plus aisé, en quête d’objets exclusifs, « vintage », à forte valeur symbolique. La motivation écologique, même si elle se retrouve chez certains, est minoritaire. La plupart des acheteurs et vendeurs d’occasion sont attachés à la société de consommation et apprécient consommer.

Dans le détail, quatre populations se détachent :

  • Des Français en quête d’économie

La vente de produits d’occasion est aujourd’hui la première source de revenus complémentaires en France. Beaucoup de gens qui se tournent vers l’occasion ont des motivations économiques. Ce sont souvent des personnes qui sont dans une situation financièrement instable, avec des rentrées d’argent qui varient beaucoup d’un mois à l’autre.

  • Des Français en quête d’exclusivité et de singularité

Parmi les acheteurs d’occasion réguliers, on trouve une population attirée par la rareté, l’inédit, la trouvaille. Ces personnes sont prêtes à beaucoup chiner pour découvrir un objet qui leur correspond vraiment. Ils aiment posséder de beaux objets (accessoires, meubles, stylos…). Aujourd’hui, le vintage fait partie de leurs aspirations. Jeunes ou moins jeunes, ils sont adeptes de ces objets ou vêtements qui ont traversé le temps et qui leur permet d’affirmer leur personnalité singulière.

  • Des Français qui aiment la fonction sociale de l’occasion

Il faut souligner également une dimension importante. Le goût de la rencontre et la recherche de liens. Beaucoup de personnes qui pratiquent régulièrement l’achat ou la vente d’occasion aiment rencontrer des personnes nouvelles. Ils aiment sentir qu’ils appartiennent à une communauté de gens avec qui ils partagent des passions ou des préférences.

  • Des Français sensibles à la consommation engagée

Plus émergent, il existe aussi un groupe de gens qui refusent la consommation. Sensibles aux arguments écologiques, ils s’équipent en priorité avec des biens d’occasion. Pour eux, il y a une dimension politique ou morale dans ce type de consommation. C’est leur façon à eux de résister à une société qu’ils jugent consumériste et à lutter contre le gaspillage et la surconsommation.

Source : étude Sociovision réalisée en juillet 2021 auprès d’un échantillon national de 2 200 personnes, représentatives de la population française âgée de 15 à 75 ans.

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