Tribunes

Qu’est-ce qui rend les gens heureux en 2024 ?

1/ LE PARADOXE : ON PEUT ÊTRE PESSIMISTE ET HEUREUX

Et si l’optimisme n’était pas une condition nécessaire du bonheur ? C’est ce que suggère la dernière vague de l’Observatoire France de Sociovision (6 000 personnes âgées de 15 à 75 ans interrogées en juillet 2023). En effet, 78% des Français y admettent qu’ils sont « heureux ». Dans la même étude, 44% seulement des personnes interrogées se disent « optimistes pour l’avenir ». Cet écart de 34 points interroge : on peut donc être pessimiste et heureux. De fait, si les raisons d’être pessimistes ne manquent pas dans le monde actuel (inflation, guerres, terrorisme, insécurité, crise écologique…), il est, à l’évidence, d’autres motivations qui permettent aux mêmes qui se déclarent « pessimistes » de se reconnaître « heureux » malgré tout.

En réalité, ce que ces chiffres suggèrent, c’est que les facteurs du bonheur ne sont pas les mêmes que ceux de l’optimisme. Ce qui me rend heureux ne me rend pas nécessairement optimiste. Dit autrement : je peux avoir toutes les raisons d’être pessimiste, tout en préservant ma capacité à être heureux. Partant de cet apparent paradoxe, l’équipe de Sociovision (filiale de l’IFOP) a donc décidé de mener des analyses statistiques approfondies pour déterminer plus précisément les facteurs qui contribuent aujourd’hui au sentiment de bonheur.

2/ LA MÉTHODE SUIVIE POUR IDENTIFIER LES FACTEURS DU BONHEUR

Nous avons donc mené des analyses statistiques afin d’identifier les dimensions de la vie les plus prédictives du bonheur. Concrètement, nous avons isolé les Français se disant « très heureux » du reste de l’échantillon et nous avons mené des analyses de régression sur l’ensemble des questions auxquelles ceux-ci, comme le reste de la population, avaient répondu. En tout, plus d’une centaine de questions ont été analysées, couvrant tous les domaines de la vie : préoccupations, valeurs, aspirations, comportements, état de santé, loisirs…

Dans un premier temps, ces analyses ont fait apparaître les facteurs les plus discriminants, c’est-à-dire les facteurs qui contribuent le plus au sentiment de bonheur. Plus ceux-ci sont élevés, plus augmente la probabilité, pour la personne interrogée, de se dire « très heureuse ». Dans un second temps, nous nous sommes demandé si les déterminants du bonheur étaient les mêmes que les déterminants de l’optimisme. Nous avons pour cela effectué à nouveau des analyses de régression en isolant les Français se disant optimistes pour leur avenir personnel à 12 mois et nous avons comparé ces résultats à la première analyse.

3/ LES FACTEURS DU BONHEUR

Au total, nos analyses ont permis d’identifier 5 facteurs principaux. À eux seuls, ils expliquent 65% du sentiment de bonheur. Concrètement, cela signifie que plus un facteur est important pour un individu donné, plus la probabilité de celui-ci d’être heureux augmente de façon significative.

  • FACTEUR DU BONHEUR NUMÉRO 1 : LE SENTIMENT QUE LA VIE A UN SENS

Avoir le sentiment que sa vie a un sens est le facteur le plus déterminant dans la mesure où il explique à lui seul 25% du sentiment de bonheur. Les gens heureux ont davantage l’impression que, dans la vie, ils savent où ils vont. À leurs yeux, leur existence a un but – ce qui leur confère un sentiment de maîtrise qui les rend heureux.

  • FACTEUR DU BONHEUR NUMÉRO 2 : LE SENTIMENT DE SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Même si le vieil adage prétend que l’argent ne fait pas le bonheur, il semble cependant essentiel, pour être heureux, de disposer d’un minimum de stabilité financière. 12% du sentiment de bonheur, en effet, en provient. De fait, les gens les plus heureux ont souvent des revenus un peu plus élevés que la moyenne. Cela ne signifie évidemment pas qu’il faut être riche pour être heureux, mais que disposer d’une situation financière permettant de voir venir et de ne pas être angoissé par la peur du lendemain, représente un véritable atout.

  • FACTEUR DU BONHEUR NUMÉRO 3 : LA QUALITÉ DES RELATIONS SOCIALES

L’existence de liens avec les autres explique 10% du sentiment de bonheur. Les gens les plus heureux sont souvent des personnes bien entourées. Ils ont des amis ou de la famille avec lesquels ils entretiennent des relations régulières. Source de réconfort ou de plaisir, partager des expériences avec les autres augmente du même coup leur niveau de bonheur. Par contraste, les personnes isolées sont surreprésentées parmi les personnes les plus malheureuses. La « solitude heureuse » est le fait d’une minorité.

  • FACTEUR DU BONHEUR NUMÉRO 4 : LE SENTIMENT D’UTILITÉ SOCIALE

Le fait de se sentir utile à la société par son travail ou par sa contribution personnelle (à travers un engagement associatif, ou une activité bénévole…) contribue au sentiment de bonheur à hauteur de 8%. L’exemple d’une profession comme celle des agriculteurs est éclairante de ce point de vue. Malgré des conditions de travail souvent difficiles, des revenus ténus pour une grande partie d’entre eux, et une vulnérabilité liée au jeu des rapports de force avec les acteurs de la distribution ou de l’industrie agro-alimentaire, les agriculteurs se sentent particulièrement utiles à la société. Leur mission à elle seule – nourrir la population – les rend heureux.

  • FACTEUR DU BONHEUR NUMÉRO 5 : UNE BONNE SANTÉ

Le cinquième facteur n’étonnera pas : un bon niveau de santé augmente le niveau de bonheur des individus et y contribue à hauteur de 8%. C’est la raison pour laquelle, à la question de savoir ce qui est important pour réussir sa vie, la santé arrive toujours en tête du classement des critères, en France comme dans bien d’autres pays. Entretenir son capital santé, de ce point de vue, c’est préserver son capital bonheur.

4/ LES DIMENSIONS QUI RENFORCENT LE SENTIMENT DE BONHEUR

Bien sûr ces 5 facteurs sont les plus prédictifs, mais ils ne sont pas les seuls, puisqu’ils n’expliquent « que » 65% du sentiment de bonheur. D’autres dimensions doivent être mentionnées. Elles ne sont pas suffisantes en elles-mêmes, mais elles contribuent, chacune à leur échelle, à renforcer ou à entretenir le sentiment de bonheur. Ce sont les adjuvants du bonheur.

Des attitudes

  • Préserver son indépendance d’esprit: c’est-à-dire le fait d’être peu sensible au regard des autres, contribue à se préserver des éventuelles critiques.
  • Savoir vivre avec les imprévus de la vie. Être heureux, c’est aussi être capable d’accepter les situations qui n’étaient pas prévues et d’y voir des opportunités plutôt que des contrariétés.

Des actions

  • Passer des moments en famille ou avec ses proches
  • Avoir des rituels, célébrer des événements de la vie (anniversaires, réussites scolaires ou professionnelles…)
  • Prendre du temps pour soi
  • Aider les autres: l’altruisme est payant. En rendant heureux les autres, ou en atténuant leur douleur, on se sent plus heureux.

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  • 19/06/2024

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